Une interprétation modèle du concerto grosso italien

Jonathan Nubel, vif, sain, sait ce qu’il entreprend, ayant dans ses mains l’excellent Moment Baroque, se servir de 5 concertos à la file dans le but de mettre en évidence un panorama des richesses de ce modèle musical. La première entrée donne sans tarder la plénitude (Corelli) qui va signer le concert : la force et la tendresse. On aimait ce compositeur, il y a un demi-siècle, avec ce qu’on en faisait. Peu. Or l’Ensemble de ce jour, et ses confrères dans le monde, savent ce que rythme, couleur, archet, diapason dévoilent du secret de la composition.

Des accords comme des gerbes mûres

De là vient l’émotion qui se transmet par la joie de jouer, par le bonheur qui se lit sur les visages. Le concerto grosso est la fusion de tous en un instrument. Les familles (violons 1 et 2, altos, violoncelle, contrebasse et clavecin) s’entendent, s’écoutent, devinent l’intention de l’instant qui vient. Tout est là, dans la même seconde, pour créer ce corps sonore si expressif.

A côté de Corelli, Avison a la clarté de l’architecture (mémoire de Scarlatti ?). Les accords sont lancés comme des gerbes mûres. Les allegros en sont vraiment : la fête. Vivaldi, lui, chante une mélodie ensoleillée. Son ciel, son miel est peu ou prou celui de ses « Saisons ». Haendel, le grand, ajoute à ce que le Tibre lui a appris, c’est énorme, une brume de la Tamise. Dans ses veines ily a de la gravitas… et la forme musicale fuguée nordique, Geminiani, le 5e invité au festin, a enrichi « La Follia » si connue. Chez lui et avec la lumière de cette interprétation se résume tout ce que la musique colorée du baroque a à dire. Les musiciens des cordes et leurs solistes (Nubel, Linares, Gottraux, Monnat, Wolfer) en ont rendu, serti, toutes les nuances possibles.

Paul Flückiger

Le Quotidien Jurassien, jeudi 22 octobre 2015