Une fête de la vie, des sons et de l’inventivité

La proposition musical du Moment Baroque le 24 mai dernier à Saint-Germain de Porrentruy fut une fête de la vie, des sons, de l’inventivité. Jonathan Nubel, violon conducteur et ses musiciens ont Antonio Vivaldi dans le sang, le compositeur “ancien”, si jeune, qui sert à l’infini le vocabulaire des longues et des brèves, et qui leur tient les pages devenues le gène de ce groupe, si inspiré, si fascinant par les cordes. Soudé et convivial, il sait mettre en scène sinfonias et concerts, en huit titres, anodins sur le papier, mais quelle traduction passionnée! Un feu végétal couve partout dans ces miroirs italiens. On entend pousser fleurs et racines avec tant de force, de bruissements suggestifs prêts au mouvement. Quand on lit allegro molto, cela va à la furia, 141, 117. On se laisse bercer dans le concert pour quatre violons, 580, page perçue comme la fascination automnale venue de lointains souvenirs, une métaphase des Quatre Saison. D’un Vivaldi orateur, de fins dialogues s’installent. On y lit des pensées croisant les nôtre. Puissant, le subtil art du discours – voix humaine, peut s’en faut – qui se passe entre hautbois, violoncelle, clavecin. Le contenu? Celui que l’auditeur se laisse imposer ou qu’il crée: une disputatio, un apaisement ou un saisissement. Voici qu’on égrène l’aria 167, introduit par le clavecin, fluide et actif dans tout le récital. Le violoncelle livre son chant de ténor, aussi bondissant, rêveur, le hautbois, la ciselure fine, prolongée. Tout apporte une belle signature humaniste.

Paul Flückiger

Le Quotidien Jurassien, jeudi 6 juin 2019